Laplumeetlesmots

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AU FIL DU TEMPS...

Passent les saisons, file le temps, sonnent les heures. Un thème pour rêver et écrire, n'hésitez pas à laisser un texte, un poème...

 


Les oiseaux du parc

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Assise à mon bureau placé tout près de la porte fenêtre qui donne sur le parc, j'ai été distraite de ma recherche d'éditeurs par une agitation. Ce travail m'ennuie autant qu’il me décourage, et telle la petite écolière oubliant la maîtresse et son tableau noir, je me laisse volontiers dissiper par la gent ailée : le là-bas est plus prometteur que mon  ici...

Un mur de brume reste figé derrière les châtaigniers, comme refusant à mon regard de voir par-delà. Mais ce n'est pas le "par delà" qui m'attire, c'est l'ici même. Les perturbateurs, ceux qui m'ont éloignée de cette liste sans fin et sans espoir, sont au nombre de trois. Je les vois voleter autour des arbres.

Ces jours derniers je me suis affairée au jardin, le préparant à affronter la période hivernale. Le cognassier, le saule tortueux, les vieux pommiers, tous sont dépouillés de leur couronne automnale. Plus de dahlias, d’asters ou de chrysanthèmes, à la place une auréole d’une terre grasse qui laisse remonter à la surface vers et infimes insectes.

Gavez-vous merles, moineaux et rouges-gorges, gavez-vous de cette nourriture de roi, bientôt Dame nature se couvrira de son manteau de glace et de neige, plus rien ne sortira de cette terre. Mais vous voletez en pépiant, vous moquant de cette période de disette puisque vous savez que là, dans cet éden interdit aux chats, vous trouverez la manne providentielle. Vous qui êtes si près des cieux et qui côtoyez journellement l’invisible, est-ce pour vous un miracle que ces maisons de bois fraîchement repeintes, remplies de graines et de boules de graisse qui, certains jours, sous l’épaisseur de brume, semblent tenues par rien, comme suspendues dans le néant…

 

A.M. BONNAUD, le 29/11/2013


29/11/2013
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Halloween

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Préparation d’Halloween

 

Et oui, je suis comme ça, à l'inverse des modes. Avez-vous remarqué comme il est malaisé d’être à contre courant ? Durant des années nos grandes surfaces ont utilisé l’engouement de notre jeunesse pour le mythique, pour attirer les consommateurs que nous sommes vers cette fête venue du Grand Ouest, espérant l’ajouter aux nôtres. Le peu d'intérêt qu'elle à suscité a mis un terme aux ventes d'objets "épouvante en tout genre" pas assez rentables...

Bref, pour en revenir à Halloween, comme j’ai une propension a aller vers ce qui tombe en désuétude, je me suis dit :

 

Gardons cette fête à l’honneur,

Elle fait sortir tant d’horreurs,

Tant d’être tapis dans la nuit,

Sorcières, chauve-souris,

Vampires, fantômes de minuit.

Tant d'êtres nés de nos angoisses,

Issus d'un imaginaire vorace.

 

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Et me voici,

A décortiquer une citrouille

Pour qu’elle donne la trouille,

A courir après des mains

Qui se sauvent dans le jardin,

Hep ! Revenez !

Je  vous offre l’hospitalité

De mon congélateur !

N’ayez pas peur,

Je vais vous garder congelées,

Pour apeurer mes invités.

 

A l’aide de mon balai

Je fouille les coins isolés,

A la recherche d'araignées

Pas assez malignes pour se cacher.

Hélas, je dois être une trop bonne ménagère

Puisque je ne trouve qu’un peu de poussière.

Tant pis, je m’en contenterai

pour saupoudrer ma nappe en papier.

 

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Puis, j'ai  pactisé avec la plus terrible des sorcières,

Lui promettant de la laisser accomplir ses misères,

Si elle me concoctait des élixirs à sa manière

 

 

 

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Enfin, je suis allée errer dans le cimetière de notre village,

Pour attirer dans mon sillage

les fantômes qui faisaient grand tapage.

S’ils sont prêts à effrayer mes amis,

je leur offre le gîte pour cette nuit.,

c'est promis.

 

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Tant et tant de choses

Qu’il me reste à faire !

Mieux vaut arrêter

D'écrire ces puérilités 

Qui, je le crains, ne sauront contenter

Que les lutins dans la forêt…

 


31/10/2013
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Journaux d'hier...

 

 

 Extrait de Pays d'ailleurs...

(Cet extrait appartient exclusivement à l'auteur aux termes des articles L 111-1 et L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle). 

...

Une seule étagère m’intéresse, celle du bas, là où des journaux s’entassent avec des allures de tours de Pise. Devant l’amoncellement anarchique je suis embarrassée. Si je veux m’adonner au plaisir de les feuilleter je dois d’abord y mettre de l’ordre. Je vais avoir besoin de place. Le bureau croule sous la paperasse, impossible d’en ajouter. J’avise le tapis, il jouxte la bibliothèque, il fera l’affaire. Á croire que j’étais attendue. Le temps de m’asseoir et les piles s’effondrent dans un nuage de poussière.

Je fouille le tas, un peu déçue. Leur vieillesse n’a rien d’explosive, elle relate des faits qui n’ont plus rien à m’apprendre. Moi, ce que j’aimerais dénicher, ce sont des quotidiens beaucoup plus vieux, véritables révolution dans l’histoire de la presse[1], au titre commençant par « Petit » malgré leur taille démesurée. J’aspire à tomber nez à nez avec « Le Petit Journal », « La Petite Presse », « Le Petit Moniteur Universel. ». J’ai peur qu’une aïeule ou une bisaïeule n’ait eu la malencontreuse idée de s’en servir pour allumer son fourneau, frotter ses poêles ou bourrer ses sabots. Je râle, je grogne, je rouspète, je désespère, me promettant d’abandonner si le paquet que je viens de trouver ne contient rien d’intéressant. D’une main fébrile je défais la ficelle et je crie au miracle.

 

 Mon trésor s’éparpille en dizaine de journaux, tous de la famille des « Petit. ». Accaparée par les illustrations et les gravures révélatrices des curiosités et des idéologies de leur époque, captivée par les inventions et les faits divers illustrés d’une manière drolatique par les dessinateurs du moment, je me laisse engloutir dans les spirales du temps.

     

Je monte dans un tacot avec cet homme et sa passagère emmitouflés dans un manteau de fourrure, la tête couverte d’une cagoule et les yeux protégés par des lunettes. Je m’amuse à suivre la « petite reine », conduite avec grâce par une jeune femme moderne, arborant un pantalon qui dévoile  scandaleusement des bottines et des chevilles. Je vole dans un coucou en compagnie d’un aviateur casqué, aux grosses lunettes fixées sur l’horizon, le buste grossi par un blouson de cuir, l’écharpe flottant au vent. Je voyage à bord d’une locomotive au ventre chargé de pelletées de charbon, avec son chauffeur et son mécanicien au visage encrassé. J’assiste au milieu d’une foule admirative au départ d’un élégant paquebot transatlantique chargé de passagers, futures âmes divagant sur un océan de glace. Je me laisse porter au fil de l’eau sur une barque, grâce aux bras musclés d’un rameur à la poitrine sportive, moulée dans un maillot blanc, au canotier cachant des œillades coquines. Je suis dans cette foule qui s’enthousiasme pour les nouvelles techniques : l’électricité, le télégraphe sans fil, le téléphone, le cinématographe, le phonographe. Je refuse de la suivre quand elle crie au scandale devant les audaces d’artistes inconnus aux œuvres avant-gardistes. Je suis catastrophée quand elle menace de coups de canne et de parapluie des impressionnistes, des fauvistes et des cubistes qui révolutionnent la peinture ; quand son courroux éclate après des architectes qui osent employer du béton armé dans la construction de monuments. Et voilà qu’Alfred Jarry avec son Père Ubu les provoque, que Stravinsky avec son Oiseau de feu les fait siffler. Je suis avec cette même foule quand elle est en liesse et qu’elle ovationne les nouveaux héros : Louis Blériot pour sa traversée de la Manche ; Roland Garros pour celle de la Méditerranée ; Chavez pour sa survolée des Alpes. Avec elle je me passionne pour l’invention de Becquerel et ses rayons X ; pour celle de Pierre et Marie Curie et leurs recherches sur les structures de l’atome. Je m'enflamme pour les exploits des sportifs lors des premiers jeux olympiques. J’acclame encore Petit-Breton, le gagnant du Tour de France.

Je suis la Belle Epoque avec son Moulin rouge, où La Goulue, Jeanne Avril et Valentin le désossé dansent le « French Cancan » ; avec ses Folies Bergères et sa célèbre danseuse, Loïc Fuller ; avec son music-hall et sa chanteuse, Yvette Guilbert ; avec ses cabarets à Montmartre où Aristide Briand met à mal quelques grands de ce monde ; avec l’exposition universelle et cette tour si controversée, construite par un certain Eiffel ; avec ses grands magasins, son métro, ses tramways et ses gares. Mais il n’y a pas que place pour la frivolité et je me précipite sur les journaux pour lire avidement les feuilletons écrits par des écrivains plus ou moins controversés. Je suis également présente au procès du capitaine Dreyfus et aux combats opposant les dreyfusards et les antidreyfusards avec, en tête, Emile Zola et son « J’accuse ». Je lutte aussi au côté de ces femmes qui manifestent contre la société traditionnelle et suis nommée «pétroleuse » en France, « suffragette » en Angleterre. J’assiste aux affrontements violents lors de la séparation de l’Etat et de l’Eglise et à la lutte menée entre l’instruction laïque et l’enseignement religieux.

Je suis mythe de cette Belle Epoque, où l’illettrisme recule mais pas la misère pour les malheureux oubliés de cette expansion, où les quartiers miséreux font contrastes avec les palaces des quartiers riches. Encore mythe lorsqu’elle se voit entachée d’assassinats : le président Carnot ; l’impératrice Elisabeth d’Autriche ; le roi d’Italie Humbert 1er ; le roi et le prince héritier du Portugal. Toujours mythe avec ces grèves où les uns brandissent des drapeaux rouges, les autres des drapeaux noirs, et que sifflent les balles des soldats.

 

 

 

 

 Et déjà de terribles menaces montent des journaux jaunis, avec l’apparition de nouveaux canons à tir rapide ; d’explosifs appelés mélinite ; de sous-marins ; de journalistes qui racontent l’assassinat d’un archiduc ; d’hommes politiques et de militaires qui parlent d’un conflit inévitable. Mon esprit vacille en regardant les illustrations allégoriques et patriotiques. Il sait de combien de morts cette victoire sera faite et quelles en seront les conséquences dramatiques. Aussi n’est-il pas enthousiaste devant ces soldats au casque brillant, à la moustache soignée, au pantalon et à la vareuse bleue horizon. Quant à l’officier qui porte un uniforme impeccable, aux boutons lustrés et aux bottes bien cirées, croient-ils vraiment qu’une guerre puisse être propre. Et parmi les guerriers aux vêtements maculés de boue et de sang, où le dessinateur cache la peur mais pas les traits tirés ravagés par l’enfer, combien d’entre eux seront-ils à gronder de colère devant l’inefficacité de leurs chefs, qui les mèneront à la boucherie pour quelques mètres de terrain à peine gagnés, sitôt repris.

 

 [1] Le journal à la portée de toutes les bourses  « Le Petit Journal », à cinq centimes, créé par Moïse Polydore Millaud.

 

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11/06/2013
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Paris haute couture

       

 

 

 

 

Une journée dans l’atelier de couture de Mme Anaïs. (Extrait du roman L'Anneau)

 

Les salons continuaient à se remplir sans que ce petit monde ne fasse plus de bruit que des fidèles entrant dans une église. Dès le seuil, la nouvelle arrivée était happée par des chuchotis de voix féminines, de ceux que l'on peut entendre s'exhaler d'un choeur de femmes en prières. De crainte de briser leurs psalmodies, la cliente avançait sur la pointe des pieds, s'appliquant à ne pas faire craquer le parquet aux lattes brillantes, dont les teintes n'étaient pas sans lui rappeler le banc qu'elle occupait à l'église. Après avoir repéré une de ses connaissances, elle se dirigeait vers elle dans un mouvement aérien puis, sitôt installée sur une des chaises tendues de soie à rayures rouges et beiges, elle joignait sa voix au groupe de fidèles.  Des apprenties, réquisitionnées pour ces périodes de presse, leur proposaient du thé ou du café sensé les aider à patienter, mais les coquettes ne manifestaient aucun agacement pour l'attente : ne venaient-elles pas là pour leur plaisir ?

Dans un charmant fouillis, des albums rassemblant les croquis de la nouvelle collection étaient disséminés ici et là, pour le bonheur de ces dames qui se pâmaient devant certains modèles. Pour Mme Anaïs il n'était pas question d'avoir recours à de jeunes et jolies femmes qui défileraient, squelettiques, portant nos robes et nos fourreaux, nos jupes et nos manteaux. Elle craignait que certaines de ses clientes ne prennent ombrage de la trop grande différence existant entre elles et ces créatures filiformes. Je la revois encore, arpentant l’atelier des anciennes de sa démarche altière, agitant ses mains au rythme des explications passionnées qu’elle nous donnait :

- « Comprenez bien, Mesdames et Mesdemoiselles ! Je ne peux supporter de voir la femme se transformer en planche à pain ! Qui a pu faire si peu cas de son corps et de sa féminité ? Regardez-les, ces filles, à quoi ressemblent-elles, voulez-vous me le dire ! Avant toute chose, ce qui caractérise sa beauté, ce sont ses formes, que diable ! N’ont-elles pas été assez chantées par les poètes ? Dessinées par les peintres ? Façonnées par les sculpteurs ? Comment a-t-on pu les réduire à un sac d’os, je vous le demande ! Rien devant, rien derrière ! Prenez ce corsage par exemple, à quoi ressemblera-t-il s’il n’est pas habité par une poitrine ronde et ferme ? Et cette jupe, comment voulez-vous qu’elle exprime la vie, le mouvement, si elle n’est pas posée sur des hanches bien dessinées ? Il faut que le tissu puisse laisser deviner la présence d’un ventre rond et que de dos il ne retombe pas droit et vide mais qu’au contraire, il soit retenu par deux fesses musclées et rebondies, de façon à animer l’étoffe. Ne jamais oublier, Mesdames et Mesdemoiselles, lorsque vous regarderez une de vos clientes, de vous poser cette question : est-ce le corps qui doit faire le vêtement ou le vêtement qui doit faire le corps ? 

 

 

 

 

oooOooo 

 

 

 

Révélation d’une étrange armoire…(Extrait du roman Pays d'ailleurs...)

 

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J’aurais dû me douter, un pareil écrin ne pouvait contenir que des merveilles. Sans avoir à prononcer la célèbre phrase d’Ali Baba : « Cézanne ! Ouvre-toi ! », en tournant simplement la clef, l’armoire m’avait ouvert ses portes dans de discrets craquements et senteurs fleuries. Mon attitude face à ma découverte devait exprimer le même ébahissement qu’avait eu Ali Baba face à son trésor. Ici, il avait pris la forme de mousseline et de velours, de cachemire et de lainage, de drap et de crêpe de chine, d’organdi et de taffetas. Sous ces étoffes aux multiples couleurs, les cintres étaient revêtus de toilettes capables de faire pâmer plus d’une coquette. C’était des robes à l’ample jupe bouillonnante sous une avalanche de plis, au bas agrémenté de piqûres et de surpiqûres, de biais et de guipure. Leur corsage se contentait d’un empiècement garni de galon ou, selon la fantaisie du couturier, se chargeait de fronces, de dentelle, de borderies, d’un ruchée. Certaines offraient un décolleté pour mettre en valeur un buste et des épaules, d’autres, plus sages, se rehaussaient d’un col officier enrichi d’un nœud vaporeux ou d’une fine dentelle. Là aussi, selon l’usage de la toilette, les manches avec leur forme ballon pouvaient être simples ou parées de dentelle, ornées de plis ou de galons. Les poignées s’agrémentaient d’une patte et de plusieurs boutons dont certains éclairaient la pénombre de lueurs étincelantes. Parmi ces richesses d’un autre âge se distinguaient des manteaux de coupe assez originale avec leur pèlerine bordée d’une riche fourrure ou de broderie. Mes mains folles couraient d’un cintre à l’autre. J’allais de surprise en surprise. Je m’extasiais à chaque nouvelle découverte, remplissant la pièce silencieuse d’admiratifs  « Oh ! » et  « Ah ! ». Mes yeux, jusque là ensorcelés par l’opulence vestimentaire, n’avaient pas prêté attention à ce qui se trouvait au-dessus et au-dessous de cette ligne. Quand ils remarquèrent l’étagère supérieur, ce fut pour découvrir des chapeaux allant du simple couvre chef aux plus extravagants : oiseaux, plumes, fruits, fleurs, tout était permis. Quant à l’étagère du bas, elle alignait de paires de chaussures vieillottes : escarpins de cuir fin, souliers à boucles, bottines à lacets ou à petits boutons. Et, pour finir, de ravissantes ombrelles se tenaient droites sur l’un des côtés. 

 

 

 


12/04/2013
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Le téléphone portable vu par Ophélie !

Extrait du roman Pays d'ailleurs... A.M. Bonnaud

 

 

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Oh ! Combien précieux et incontournable portable ! Du moins d'après mon cher trio, jeunes proies chouchoutées des vendeurs, parvenus à leur démontrer à grand coup d'encarts publicitaire du bien fondé de ce confetti. Ne renvoie-t-il pas à l'âge de glace les cabines téléphoniques et les individus qui n'ont pas de pendu à leurs basques, encore moins à leurs oreilles, l'engin des temps modernes. Mauvaise consommatrice, je le tolère uniquement pour ménager leur susceptibilité. Qu'ils ne sachent surtout pas qu'à lui j'aurais préféré pour mes cinquante ans, une jolie demoiselle ourse pour Martinpeluche, un voyage chez les pharaons, ou quelque autre folie. Peut-être s'en étaient-ils doutés, eux qui les premiers jours, au moment où je démarrais la voiture, accouraient cheveux au vent, chaussons aux pieds, peignoir ouvert, main brandie : "Maman ! Ton portable !". J'aurais aimé pouvoir hurler : "Pitié ! Pas lui !". A la place je répondais innocemment : "Oh, zut, je l'ai encore oublié.". Et je me vengeais en le jetant dans mon sac, à lui de se débrouiller pour trouver une place entre mon permis de conduire, ma carte d'identité, mon rouge à lèvre et mon poudrier.

 

Chers ados, que ne ferait pas pour vous une mère aimante, même si je me contrefiche de votre objet miniature aux multiples fonctions : sms, mms, calculatrice, réveil matin, appareil photo, jeux, radio, ordinateur, téléphone, et demain objet de survie pour personne perdue dans la brousse avec tire bouchon, décapsuleur, ouvre-boîte, chausse-pieds incorporés. En fait, si j'ai  compris, il est pour vous une sorte de balise Argos, capable de retrouver en un temps record votre mère où qu'elle soit, dès fois qu'elle se promène au bras d'un nouveau Landru, d'un grand méchant loup, d'un gentleman cambrioleur, qui sait... Et depuis que vous n'êtes plus à la maison pour me dire où ce fichu téléphone se cache, je vous en veux pour votre cadeau, toujours à se mettre dans des endroits invraisemblables : à la cuisine parmi les couteaux et les fourchettes, à la  la salle de bain au milieu des flacons et des crèmes, dans la boîte à pain, le réfrigérateur, le four, non, ne râlez pas, le four, ce n'est arrivé qu'une fois.

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(Cet extrait appartient exclusivement à l'auteur aux termes des articles L 111-1 et L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle).


05/03/2013
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Le Pays Bleu...

 

 

 

 

 

Ophélie raconte son arrivée au Pays bleu. Le vieux car asthmatique la dépose avec sa maman sur une route où Mamilou les attend.

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Á l'évocation de ce prénom, Mamilou, je songe à l'allégresse de nos retrouvailles. Je sautais du car pour me jeter dans ses bras et je couvrais de baisers ses joues dorées par le soleil. Son chapeau de paille, affolé par le retour de l'impétueuse gamine, se sauvait sur la route. Trop heureuse de me revoir, elle ne faisait rien pour le rattraper et sans maman pour lui courir après, qui sait où il aurait atterri, peut-être à Paris, allez savoir. Tandis que je l'embrassais en trépignant de joie – pensez donc, une année sans la voir ! – maman, elle, tentait de calmer mes débordements : "Ophélie ! Ça suffit maintenant !". Une fois nos effusions passées, elle m'inspectait et là, les mains jointes, elle se mettait à chanter de plus belle : "Boudiou !  Pichotte ! Tu es maigre comme un estoquefich !". J'ai oublié de vous préciser que les habitants de mon Pays Bleu ne connaissaient pas Ophélie ; pour tous, j'étais "la Pichotte à Mamilou. ». Que je vous dise, là-bas, les gens, en plus de "chanter" les mots, ils en employaient de mystérieux. Il fallait être initié pour les connaître. Ce que Mamilou venait de dire ? Et bien, "la petite est maigre comme de la morue séchée". Et croyez moi, en matière de morue séchée, elle s'y connaissait ; c'était la championne de l'aïoli ! Morue ou pas, en entendant la remarque, maman s'inquiétait : "elle a beaucoup toussé cet hiver ». Je me souhaitais alors des hivers pénibles, des toux ininterrompues, de quoi avoir le plaisir de retrouver chaque année Mamilou et mon royaume bleuté.

Il était temps de se mettre en route. Comme par magie, elle faisait alors surgir d'un taillis une brouette destinée à recevoir nos bagages puis là, délestée de notre charge, nous suivions la divine représentante de ces lieux enchanteurs. 

De chaque côté de la route, à perte de vue, s'étendait la garrigue avec ses bosquets de genévriers, de térébinthes, de tamaris et de plantes à ne plus savoir qu'en faire. Un peu plus haut, les vignes, les olivers et les lavandes. Plus haut encore, la colline couverte de résineux et de chênes. Par-dessus tout ça, un ciel bleu, illuminé à l'est par un disque d'or. A un point donné, comment Mamilou le reconnaissait-elle, là encore, mystère, elle tournait et... magie ! La roue enchantée de sa brouette faisait apparaître une sente dans les herbes sèches. Des sauterelles ouvraient le passage dans des éclairs de vert tendre. Les cigales stridulaient, les criquets "cricriquaient" et les mouches "bzubzutaient". Nous baignions dans des parfums d'hysope, de farigoule, de menthe sauvage, enfin, de ces plantes aromatiques qui peuplent cette terre gorgée de soleil et de chaleur. Sans doute vous demandez-vous comment une petite fille pouvait connaître leur nom ? Mamilou m'enseignait son savoir un peu plus chaque année. J'ai gardé en tête son herbier aux noms fantastiques. J'aimais la poésie du parler provençale. Essayez de prononcer ce mot, "pèbre d'aï". N'est-il pas révélateur de mystère ? Imaginez un peu, "pèbre d'aï !". Autrement dit, "poivre d’âne ! ». Du poivre, pour les ânes ! N'est-ce pas mieux que sa traduction, sarriette ?

Mamilou ne se contentait pas de m'initier aux végétaux, elle m'apprenait à reconnaître le chant des oiseaux, celui des insectes. Je peux vous ajouter au tableau de notre arrivée, les agasses bleutées qui jacassaient : « la Pichotte est de retour !" ; celui de la huppe, de la farlouse, du loriot qui voletaient : "la Pichotte est de retour !". Combien de temps durait cette traversée de la garrigue... Le trajet me paraissait court, maintenant, à d’autres, il aurait pu paraître long ; tout dépend comment chacun s’occupe. Les deux femmes l’employaient à se raconter une année de souvenirs et moi, je reprenais possession du Pays bleu.

 

Il fallait toute la magie de la brouette pour nous déposer soudainement sur un chemin caillouteux. Ici commençait le domaine de Mamilou, comme l’indiquait une pancarte en bois vermoulu, au nom verdi de mousse : la Faïce. Nous avions encore à remonter une allée de mûriers centenaires, vestiges de l’époque bénie où la région faisait l’élevage du vers à soie. Malgré l’heure matinale, les volets verts de la bastide étaient fermés sur les pièces emplies de la fraîcheur de la nuit, ceci ne l’empêchait pas d’avoir été avertie de ma venue. Tôt ce matin, de la cuisine, des arômes de tarte aux abricots, de daube provençale et de ratatouille était venues chatouiller les murs : « la Pichotte est de retour ! ». La façade me faisait un accueil ruisselant de soleil et me souriait de ses murs fendillés. Le banc de pierre adossé près de la porte m’invitait à m’asseoir. Le potager m’adressait des clins d’œil de tomates rouges, de courgettes et de poivrons verts, d’aubergines violettes. Le jardin aux fleurs me souriait en blanc, en mauve, en rose et en jaune. Les préférées de Mamilou, les œillets de poète, m’ovationnaient de couleur. Ils étaient partout, en des coins si invraisemblables que je leur soupçonnais des complices répondant au nom de pigeons ramiers, merles, verdiers et mésanges. Qui d’autres, sinon eux, auraient pu les apporter aussi loin de chez elle.

Ah, Mamilou et son jardin ! Je crois que vous n’auriez pas pu l’empêcher de bêcher, planter, semer, même si parfois elle ronchonnait dans son patois : « Aïe, Boudiou dé Boudiou ! ». Sa fâcherie ne durait guère. Après son « Boudiou », vous la surpreniez à lui faire des éloges. C’est qu’elle l’aimait sa terre ocre, sèche, dure à travailler ; fille de Provence, elle lui appartenait corps et âme.

 


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Extrait du roman Pays d'ailleurs... A.M. Bonnaud, texte protégé.


22/02/2013
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Etranges rencontres...

 

Extrait de Pays d'ailleurs... (A.M. BONNAUD)

 

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Je reste subjuguée par les scènes d’un lointain passé rendu si proche par le savoir conter de mon hôtesse. Elle m’entraîne dans son délire et d’un « Imaginez !» à un autre «Imaginez ! », j’en viens à voir s’échapper du miroir des captives fascinantes. Parées pour aller à un bal, ces femmes montrent leur gorge et leurs épaules dénudées. Un bustier les serre étroitement et leur taille prise dans une ribambelle de plis laisse s’enfuir un flot d’étoffes. Leu cou et leurs poignets s’ornent de précieuses parures. Leurs cheveux artistement coiffés s’agrémentent de perles et de fleurs. Elles manient avec élégance leur éventail et savent s’en servir pour médire sous les plumes et le nacre, cachant leurs lèvres moqueuses derrière des scènes japonaises, des marquises et des marquis. Le tissu chatoyant de leur toilette effleure le sombre d’un pantalon ou d’une redingote. Seule note blanche dans ces noirs et gris masculins, le plastron mis en valeur par une lavallière noire, unique coquetterie vestimentaire de ces hommes portant moustache ou barbiches.

 

 

 

Le miroir continue à laisser s’échapper des êtres éthérés et je vais d’étonnement en étonnement.

 

 

Renoir se promène en compagnie de la femme à la perruche, sans que l’oiseau ne s’envole, habitué au maître. Il les laisse un instant pour la dame sur la balançoire, que celle-ci refuse de quitter.


 

 

Non loin, Monet est entouré de jeunes femmes vêtues en toilette à pois, à arabesques, à rayures, davantage créée pour honorer cette réception que le jardin où il les a enlevées.

 


 

 

Des danseuses en tutu traversent le miroir sur les pointes, entraînant à leur suite Degas.

 


Pelléas et Mélisande précède Debussy.

 

 

 

Un murmure s’étonne : Berthe Morisot n’est pas là ? Un autre chuchote : elle a préféré rester près du berceau où s’endort un enfant rose.

 


 

 

 

D’autres silhouettes s’apprêtent à sortir du miroir mais une voix fait brusquement intrusion parmi les ombres crépusculaires qui se troublent et se dissipent, rendant à la glace les lueurs dansantes de l’âtre. Je retrouve ma lucidité qui venait de se perdre dans la déraison de la narratrice ; elle seule pouvait lui faire prétendre avoir rencontré des personnages d’un autre temps…

 


15/02/2013
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