Souvenirs lointains...
Mon H.L.M
Habitation à loyer modéré
Sais-tu combien je t’aimais ?
Et toi qui maintenant l’habite,
Sais-tu que j’y ai vécu, petite ?
Ce bloc blanc de quatre étages
Qui n’avait pas encore d’âge,
Aux balcons rouges
Côté route, là où tout bouge,
Aux balcons bleus
Côté terrain de jeux, pour enfants heureux,
Sais-tu qu’il fut pour ma sœur, mes frères et moi,
Digne de la demeure d’un roi ?
Notre royaume se méritait et
Pour l’atteindre nous avions à monter
Deux par deux, vu notre âge,
Toute une envolée de marches
Qui nous conduisait au second étage,
Où quatre portes s’alignaient,
La notre étant celle en premier
Plus à aller tremblant le soir
Pour trouver un WC tout noir
Au fond d’une sinistre courette,
Sans même la clarté d’une allumette !
Plus de poêle à charbon
Dans toute la maison
Mais des radiateurs
Irradiant la chaleur !
Plus de cuvette
Pour la toilette,
Une baignoire, un lavabo,
Et de l’eau chaude à gogo !
Plus entassés dans deux chambres,
Mais des pièces aérées et grandes
Pour accueillir des lits d’enfants,
Sans envahir celle des parents !
Plus à jouer confinés
Dans un malheureux mètre carré,
Mais dans un terrain approprié
Avec gazon, et même des poiriers !
Dans cette cité sans pavillon,
Pour les enfants que nous étions,
Aucune sensation de prison
Mais de la joie assurée
Pour des dizaines d’années.
Et ça riait,
Et ça piaillait,
Et ça jouait,
Et ça se chamaillait,
Surveillés par nos mères
Occupées à leurs tâches ménagères,
Prêtes à accourir pour leurs marmots
A la moindre annonce d'un bobo.
Enfants de ces nombreuses cités,
Vous souvenez-vous
Comme nous savions-nous amuser
Au milieu de ce béton
Qui ne comptait pas pour de bon ?
Un toboggan, nous nous envolions,
Un tourniquet, nous tourbillonnions,
Une tempête dans le bac à sable
Et voilà qu'apparaissaient des châteaux de sable.
Prenant modèle sur nos livres d’images,
Sans toutefois être vraiment très sages,
Nous devenions
Elfes, fées, lutins,
Laissant à d’autres le soin
De se faire Dragons, sorciers ou démons.
Que de princesses à sauver !
De Robinson Crusoé à aider !
De d’Artagnan à épauler !
De cowboys à retirer
D'entre les mains
De vilains indiens !
Et toutes ces poupées à soigner !
A dorloter !
A bichonner !
Entourées de bons et de méchants,
Pas trop méchants,
Juste assez pour faire peur
Aux toutes petites sœurs.
Et aujourd'hui, êtres éthérés,
Sur ces balcons, le soir, vous m’apparaissez,
Auréolés d’un monde de silence,
Où revit notre tendre enfance,
L'enfance de ces gosses de cité,
Pas si malheureux d'y être enfermés.
A.M. Bonnaud
(Cet extrait appartient exclusivement à l'auteur aux termes des articles L 111-1 et L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle).
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