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Séraphine de Senlis

Il m’aura fallu ce très beau film de Martin Provost pour découvrir Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis (1864-1942). Sans ce film, serait-elle seulement venue jusqu’à moi ? Comment ne pas songer en voyant le destin de cette artiste à une autre femme qui fut elle aussi internée, Camille Claudel, sculptrice et élève d'Auguste Rodin. Je me questionne : l'Art n'aimerait-il pas les femmes...

 

 

 

 

 

 

 

 

SERAPHINE DE SENLIS

 

 

 

 

 

Ce dimanche, le ciel était bas, gris, pluvieux, un temps à ne pas mettre le nez dehors, ni la truffe de son chien d’ailleurs. Le chat l’avait bien compris, il s’était abstenu de sa sortie dominicale, préférant s’accaparer le seul fauteuil près du poêle où, roulé en boule, il s’était sitôt endormi. Je n’avais pas tenté de le chasser, regardant d’un œil morne la campagne que cachait en partie un rideau de brume. Ah, que j’avais envie de voir ce décor fuligineux se changer en couleurs !

 

 

Est-ce mon envie de luminosité qui fit sortir des brumes une femme, une peintre. Elle arpentait la campagne, vêtue d’une miséreuse veste noire et d’une jupe du même ton, tout aussi miséreuse. Un châle recouvrait ses épaules. Un vieux chapeau la coiffait, retenant à peine ses longs cheveux. Un parapluie dépassait du cabas qu’elle tenait en main et qu’elle remplissait, au fur et à mesure de son errance, de ces choses que la nature nous donne gratuitement : feuilles, herbes, fleurs… Sans compter ce qu’elle puisait dans la rivière et qu’elle enfermait dans des pots. Puis, en entendant les cloches de l’église sonner, elle pressa le pas et arriva à temps pour la messe. Après avoir prié et chanté avec les autres, elle ne sortit pas tout de suite, elle s’approcha des cierges et versa de la cire chaude dans un des pots qu’elle sortit de son sac. Qu’avait-elle l’intention de faire de toutes ces trouvailles ?

 

 

L’image éthérée de ma promeneuse solitaire, mon errante, celle que je regardais et qui s’arrêtait par instant pour contempler le paysage ou encore parler aux arbres, aux fleurs et aux oiseaux, avait un nom, elle s’appelait… Séraphine. Je commençais à peine à faire sa connaissance mais les habitants de Senlis, eux, savaient très bien qui elle était, même si à leurs yeux elle n’était rien, rien qu’une simple femme de ménage qui travaillait dans les familles bourgeoises. Une sauvage, une originale, qui préférait dépenser le maigre argent que lui procurait son dur labeur à acheter chez le droguiste des pots de Ripolin plutôt que de la nourriture ou du bois de chauffage. Une femme bizarre qui se renfermait chez elle, condamnant sa porte à tous par une inscription accrochée à la poignée : Séraphine ne reçoit pas.

 

S’ils avaient pu se glisser tout comme moi, en douce, dans cette chambre, quelle aurait été leur surprise. Sous le regard bienveillant d’une reproduction de la Sainte Vierge, des dizaines de bougies s’alignaient sur une table, le dessus d’une cheminée, le sol. Au milieu de toutes ces lueurs, la femme de ménage de Senlis disparaissait pour faire place à l’artiste. Et quelle artiste extraordinaire ! L’autodidacte peignait sur une planche de bois, (plus tard elle utilisera de la toile). Et cette fois ci, si elle se mettait à genoux, ce n'était pas pour frotter des planchers, c'était pour faire jaillir de son pinceau des formes gorgées de couleurs et de lumière. Ces couleurs et ces pigments, elle les avait elle-même préparés un peu plus tôt en dosant, broyant, mélangeant les végétaux glanés au hasard de ses promenades, y ajoutant ce fameux Ripolin, objet de ces privations. Là était le secret de Séraphine ! Bonne à tout faire le jour, artiste de grand talent la nuit.

 

 

Ses œuvres seraient-elles seulement parvenues jusqu’à nous sans Wilhelm Uhde ?

 

Ce collectionneur et critique d’art, protecteur de la peinture française du début du XXème siècle, l’employa pour faire son ménage et c’est incidemment, en allant chez des notables, qu’il découvrit une peinture faite sur une planche de bois par… Séraphine, sa femme de ménage. Grâce à lui, elle sortit de l’ombre où elle se tenait.

 

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Le chat en s’éveillant m’a tirée de ma rêverie. Je n’irai pas au-delà, je vous invite à découvrir ce film et j’espère que tout comme moi vous aurez la curiosité d’en apprendre davantage sur cette peintre méconnue.

 

A peintre extraordinaire, actrice extraordinaire. Je tiens à saluer la comédienne qui interprète le rôle de Séraphine, Yolande Moreau. Son interprétation lui a valu le César de la meilleure actrice pour la seconde fois de sa carrière. Bravo, elle le méritait amplement ! 

 

 

 

 

 

               



17/01/2013
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