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Etranges rencontres...

 

Extrait de Pays d'ailleurs... (A.M. BONNAUD)

 

...

 

Je reste subjuguée par les scènes d’un lointain passé rendu si proche par le savoir conter de mon hôtesse. Elle m’entraîne dans son délire et d’un « Imaginez !» à un autre «Imaginez ! », j’en viens à voir s’échapper du miroir des captives fascinantes. Parées pour aller à un bal, ces femmes montrent leur gorge et leurs épaules dénudées. Un bustier les serre étroitement et leur taille prise dans une ribambelle de plis laisse s’enfuir un flot d’étoffes. Leu cou et leurs poignets s’ornent de précieuses parures. Leurs cheveux artistement coiffés s’agrémentent de perles et de fleurs. Elles manient avec élégance leur éventail et savent s’en servir pour médire sous les plumes et le nacre, cachant leurs lèvres moqueuses derrière des scènes japonaises, des marquises et des marquis. Le tissu chatoyant de leur toilette effleure le sombre d’un pantalon ou d’une redingote. Seule note blanche dans ces noirs et gris masculins, le plastron mis en valeur par une lavallière noire, unique coquetterie vestimentaire de ces hommes portant moustache ou barbiches.

 

 

 

Le miroir continue à laisser s’échapper des êtres éthérés et je vais d’étonnement en étonnement.

 

 

Renoir se promène en compagnie de la femme à la perruche, sans que l’oiseau ne s’envole, habitué au maître. Il les laisse un instant pour la dame sur la balançoire, que celle-ci refuse de quitter.


 

 

Non loin, Monet est entouré de jeunes femmes vêtues en toilette à pois, à arabesques, à rayures, davantage créée pour honorer cette réception que le jardin où il les a enlevées.

 


 

 

Des danseuses en tutu traversent le miroir sur les pointes, entraînant à leur suite Degas.

 


Pelléas et Mélisande précède Debussy.

 

 

 

Un murmure s’étonne : Berthe Morisot n’est pas là ? Un autre chuchote : elle a préféré rester près du berceau où s’endort un enfant rose.

 


 

 

 

D’autres silhouettes s’apprêtent à sortir du miroir mais une voix fait brusquement intrusion parmi les ombres crépusculaires qui se troublent et se dissipent, rendant à la glace les lueurs dansantes de l’âtre. Je retrouve ma lucidité qui venait de se perdre dans la déraison de la narratrice ; elle seule pouvait lui faire prétendre avoir rencontré des personnages d’un autre temps…

 



15/02/2013
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